Entrevue avec Marie-Ève Bédard, membre du comité consultatif du RCPMTA et Marie-Ève Bédardcandidate au Doctorat en gérontologie à l’Université de Sherbrooke, à la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées et au Centre de recherche sur le vieillissement du CSSS — IUGS 

RCPMTA : Qu’avez-vous pensé du projet de consultation qui a eu lieu récemment?
Marie-Ève : L’idée de réaliser une consultation des intervenants œuvrant en prévention de la maltraitance envers les personnes aînées, plus spécifiquement sur le réseautage pancanadien, a été fort appréciée au Québec.

Les personnes présentes, soit des acteurs-clés occupant des positions hyper stratégiques dans la lutte contre la maltraitance, dans la région de Montréal, nous ont remerciés (mesdames Marie Beaulieu, Marie Cantin, Joséphine Loock et moi-même) de leur avoir permis d’échanger entre eux sur cette problématique, sur leurs différentes pratiques dans cette sphère d’activités et sur leurs besoins en matière de réseautage québécois, mais aussi pancanadien.

À la suite de cette consultation, Mme Marie Beaulieu, la Titulaire de la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées et Mme Marie Cantin, la coordonnatrice du Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées pour la grande région de Montréal ont sensibilisé le Secrétariat aux aînés aux différents besoins de réseautage québécois et canadien des acteurs œuvrant en maltraitance envers les personnes aînées de cette région, pour le partage de leurs savoirs. Elles ont notamment porté à son attention le compte-rendu de la rencontre de la consultation.

 
RCPMTA : Qu’est-ce qui vous a motivée à participer à la conférence du RCPMTA et qu’espérez-vous en retirer?
Marie-Ève : Le Réseau canadien pour la prévention des mauvais traitements envers les personnes aînées (RCPMTA) est un bon mécanisme pour réseauter les acteurs-clés œuvrant dans le champ de la maltraitance envers les personnes aînées.

 En ce qui a trait aux raisons qui m’ont motivée à participer à la conférence du RCPMTA, il y a, entre autres, que je représente Mme Marie Beaulieu, la Titulaire de la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées à cette activité, mais aussi sur le comité consultatif pour le projet Partage des Savoirs du RCPMTA. De plus, je m’intéresse à la problématique sociale de la maltraitance envers les personnes aînées dans le cadre de mes études doctorales, qui portent plus précisément sur les comités des usagers dans les centres de santé et de services sociaux du Québec. En outre, pour moi, il s’agit d’une riche opportunité de faire partie d’un réseau canadien, notamment pour établir des relations pour le partage d’informations (ex. les recherches, les structures de financement ou organisationnelles dans les différentes provinces et territoires canadiens), d’idées, de conseils. C’est une aide mutuelle, qui permet notamment de nous inspirer pour l’enrichissement de nos projets, de notre réseau local et régional. C’est une force!

Il est important que les acteurs-clés œuvrant dans la lutte contre la maltraitance envers les personnes aînées s’impliquent dans le RCPMTA pour que celui-ci soit inclusif et représentatif des besoins canadiens. Par exemple, il est nécessaire que la francophonie y soit représentée. Un des enjeux ressortit à la consultation qui s’est déroulée à Montréal, est qu’il y avait seulement deux personnes, en sus de l’animatrice (Mme Marie Beaulieu), qui connaissait le RCPMTA. Ces deux personnes étaient anglophones. Cela montre qu’il serait important que le RCPMTA ait un rayonnement plus grand dans la francophonie pancanadienne, étant donné que près de 25 % de la population du Canada vit au Québec et que les diverses communautés francophones dans les autres provinces et territoires luttent pour conserver les services dans leur langue maternelle.

Au Québec, nous avons beaucoup de beaux projets novateurs pour la prévention de la maltraitance envers les personnes aînées. Il y a entre autres, le Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2010-2015 (PAM) qui a permis de mettre en lumière le phénomène de la maltraitance envers les personnes aînées ainsi que de favoriser le travail intersectoriel des différentes organisations œuvrant dans ce domaine, notamment grâce aux coordonnateurs régionaux de lutte contre la maltraitance. Ces 19 coordonnateurs avaient le mandat de faire une cartographie régionale des ressources œuvrant dans la lutte contre la maltraitance envers les personnes aînées et de proposer un plan d’action régional de collaboration intersectorielle pour bonifier les actions. Ainsi, bien que les acteurs régionaux se réseautent entre eux au sein de leurs régions respectives, il est possible de penser qu’entre les différentes régions du Québec, ce sont peut-être davantage les coordonnateurs régionaux qui se parlent, qui se réseautent, plutôt que les acteurs de terrain.

 Bien que le Plan d’action soit prévu jusqu’en juin 2015, il y a toutefois une volonté de le prolonger de deux ans qui fut annoncée dans la politique Vieillir et Vivre ensemble chez soi dans sa communauté au Québec rendue publique en 2012.

 De 2010 à 2015, le Plan d’action était assorti d’une somme de 20.000.000 $ pour son implantation. Dans le contexte actuel « d’austérité » au Québec, le Secrétariat aux aînés a entrepris la prolongation de certaines mesures, mais il est actuellement impossible de dire avec précision lesquelles des 4 actions structurantes (campagne annuelle de sensibilisation, 20 coordonnateurs régionaux de lutte contre la maltraitance, Chaire de recherche et ligne d’écoute téléphonique Aide Abus Aînés) et quelques plus de 30 mesures spécifiques aux 13 ministères et organismes gouvernementaux engagés dans le Plan d’action seront prolongées. Nous savons cependant que la ligne Aide Abus Aînés poursuivra ses activités. Plusieurs coordonnateurs régionaux se sont aussi vu offrir de prolonger leurs fonctions. Bref, ce dossier évolue et nous devrions en savoir plus d’ici juin 2015. 

Depuis le printemps 2014, le gouvernement libéral en place au Québec a instauré un nouveau mouvement, soit sa volonté ferme de lutter contre l’intimidation et la maltraitance et de promouvoir la bientraitance. Ce mouvement rejoint nécessairement la population aînée.

En résumé, grâce au Plan d’action et aux actions régionales des 19 coordonnateurs, il est possible de penser que le réseautage est très consolidé dans chacune des régions du Québec et entre elles, notamment par les échanges entre les coordonnateurs. En sus de renforcer un réseautage des acteurs de terrain entre les diverses régions du Québec, il importe de passer à un réseautage pancanadien; c’est ce que le RCPMTA propose à travers son projet de Partage des Savoirs.

RCPMTA : Nous sommes presque au terme de la deuxième journée, y a-t-il déjà une idée, un thème ou un projet particulier qui vous a marqué au cours de cette conférence?
Marie-Ève : J’ai beaucoup apprécié les sessions en petits groupes sur différentes problématiques en lien avec la maltraitance envers les personnes aînées. Une des sessions à laquelle j’ai assisté, sur le partage des données en maltraitance, a permis de mettre en lumière que l’obtention de données probantes et rigoureuses est difficile par certains des acteurs œuvrant dans cette sphère d’activités (ex. pour le développement de leurs projets). Cette information est également ressortie lors de la consultation qui s’est tenue à Montréal. Il y a un besoin de réunir ces données à un même endroit ou du moins d’avoir des liens pour qu’elles soient facilement accessibles (ex. de par le blogue du RCPMTA). J’ai réellement apprécié le panel à ce sujet. En fait, le RCPMTA a vraiment bien organisé toutes les activités de cette conférence de deux jours pour que chaque personne puisse partager ses idées et qu’ensemble, collectivement, on trouve des solutions et des actions à la sortie de ces réunions.

 
RCPMTA : Quel est votre plan d’action, suite à la conférence?
Marie-Ève : Pour ma part, je vais rapporter les idées qui ont émergé de ces deux journées d’échanges à la Chaire de recherche. Par exemple, je crois qu’il serait pertinent que des ponts se renforcent entre la Chaire et le RCPMTA, notamment pour le rayonnement des projets de recherches de la Chaire. Ils sont déjà exposés dans les 2 langues officielles du Canada sur le site Internet www.maltraitancedesaines.com, mais il serait aussi pertinent de les mettre en valeur sur un site Internet miroir (soit entièrement traduit) bilingue canadien. De plus, il serait intéressant de développer des projets de recherches sur de nouvelles dimensions de la maltraitance qui émanent de la communauté : il faudrait que les gens qui visitent le site du RCPMTA puissent y indiquer leurs besoins en matière de recherche. Cette idée en est une qui est notamment ressortie des sessions en petits groupes. La Chaire est toujours à l'affût de ces besoins; d’ailleurs, plusieurs de ses projets de recherche ont émané de besoins exprimés par les acteurs de terrain.

En terminant, je tiens à dire que comme la maltraitance envers les personnes aînées est un phénomène complexe, je crois que pour lutter contre cette problématique sociale, pour la comprendre, le réseautage des acteurs ayant des expertises diversifiées est essentiel, entre autres pour surmonter les nombreux défis théoriques, méthodologiques et pratiques qui y sont liés. Le RCPMTA est donc un appui, un soutien... incontournable!