Entretien avec Jean-François Côté, chargé de programmes au sein du
Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec
au sujet de YAYENRA' – Le droit, le respect et les aîné(e)s autochtones
Le projet:
Le projet YAYENRA’ a vu le jour grâce au programme Nouveaux horizons pour les aînés. En 2012, le Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec a consulté ses Centres d’amitié autochtones au Québec afin d’élaborer une campagne de sensibilisation à la maltraitance des aînés.
Le mauvais traitement des aînés est un phénomène encore peu connu, tabou et rarement discuté entre les Aînés, les intervenants et leurs familles. Une majorité des Aînés victimes de maltraitance, ne le réalise pas toujours et n’est pas prête à dénoncer leur agresseur, qui souvent, est un membre de leur famille. Le guide Yayenra’ est un outil d’information sur les situations qui entourent la maltraitance des aînés, mais aussi, ce guide informe sur les droits et libertés divers des peuples autochtones au Canada.
Yayenra a pour objectifs:
- d’ouvrir le dialogue au sujet de la maltraitance des Aînés et de sensibiliser les personnes âgées, leurs familles, mais aussi les jeunes familles et les personnes marginalisées.
- de faire en sorte que les victimes connaissent leurs droits.
- d’offrir l’aide confidentielle et les ressources nécessaires dans le cadre de l’intervention offerte dans les Centres d’amitié autochtones du Québec
Le projet, achevé en avril 2015, est constitué d’un guide, d’un ensemble de dépliants et de 8 capsules vidéos (interprétées et réalisées par des acteurs et réalisateurs autochtones du Centre d’amitié autochtone de La Tuque) sur les thèmes de la maltraitance physique, financière, sexuelle, psychologique, de la négligence, ainsi que sur l’accès au logement, à l’emploi et sur les droits de la personne. Ces capsules sont créées pour le grand public, dans le but d’illustrer clairement les divers exemples de maltraitance et d’encourager le public à reconnaître, réagir mais principalement à dénoncer ces situations.
Stratégie de dissémination de l’information
Former des intervenants communautaires par l’intermédiaire d’ateliers régionaux, pour aider les intervenants à déceler les signes de maltraitance, ainsi que les problèmes d’accès au logement, et leur fournir les outils appropriés. Les capsules videos quand à elles, permettent aux gens de mieux comprendre les situations de violence ou de discrimination dans lesquelles elles peuvent vivre et les aident à briser le silence ou à encourager les victimes à faire un premier pas dans la bonne direction.
Partenaires
Le RCAAQ a travaillé de façon extensive avec les centres d’amitié autochtones du Québec, notamment lors du processus de consultation qui a permis de cibler les thèmes essentiels du projet, mais aussi par le partage de documentation.
Le RCAAQ a aussi reçu le soutien de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec, dont une équipe s’est déplacée pour organiser des ateliers sur les thèmes qui touchent de près les besoins des autochtones dans les villes. Ces différentes stratégies ont permis de rejoindre plus de 500 participants à travers le Québec. La CDPDJ a aussi validé l’ensemble du contenu des outils afin de garantir leur conformité à la Charte québécoise des droits et libertés.
Pratiques prometteuses
- Écoute et communication en petits groupes:
La maltraitance envers les Aînés est un sujet délicat, et plus encore lorsque ces communautés sont étroitement liées ou isolées de leur communauté d’origine. Lorsque les Aînés autochtones s’installent dans les villes, la solitude ou l’isolement sont des facteurs qui peuvent augmenter les risques pour ces Aînés de devenir victimes de violence ou de maltraitance. La plus grande difficulté est de les attirer vers les centres et de rencontrer un intervenant pour discuter de leur situation. Cependant, des activités, telles que l’artisanat ou la cuisine collective, servent de levier pour discuter avec les Aînés des sujets entourant les situations de violence envers les personnes âgées et de les informer sur les ressources disponibles pour y remédier.
Dans de nombreux cas, la langue représente un obstacle à la dénonciation, car un grand nombre d’Aînés ne parlent que leur langue autochtone et ne maitrisent pas l’une des deux langues officielles du Canada qui leur permettrait de communiquer avec les intervenants ou les autorités traitant les situations de violence envers les personnes âgées. Cependant, les centres d’amitié autochtones travaillent généralement avec un Aîné qui parle à la fois une des langues traditionnelles et le français ou l’anglais et qui sert de guide dans ces échanges difficiles.
- Flexibilité et transparence
Le Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec n’offre pas d’intervention directe, car la mission du Regroupement est de soutenir les Centres d’amitié autochtones dans leur mission respective, dont l’amélioration des conditions de vie des Autochtones dans les villes. Les projets développés au sein du RCAAQ sont proposés aux Centres d’amitié autochtones du Québec qui les adaptent selon le profil de leurs participants.
- Implication de multiples générations
Les intervenants encouragent fortement la participation des jeunes familles pour les intégrer dans la lutte contre la maltraitance des Aînés et les éduquer sur le sujet. Le Regroupement souhaitait absolument impliquer les jeunes, notamment par leur participation aux capsules vidéos. Un comité d’acteurs bénévoles a été créé, avec un minimum de restrictions, pour ne pas infantiliser les jeunes et les encourager à s’impliquer au maximum. Ce processus a contribué à une compréhension plus profonde et plus personnelle pour les jeunes acteurs.
Premiers chiffres et retombées
La campagne a été lancée le 1er avril 2015 et les Centres d’amitié autochtones ont été invités à partager la campagne de sensibilisation dans leurs réseaux afin d’avoir un plus grand déploiement de la campagne. Les chiffres exacts sont difficiles à établir mais le visionnement des capsules disponibles au grand public sur le site du RCAAQ, la distribution des dépliants et le bouche à oreille ont fait de cette campagne un succès. Quelques indicateurs: Plus de 1000 dépliants ont été distribués dans les Centres d’amitié autochtones, ainsi que 45 guides en français et 25 guides en anglais.
M. JeanFrançois Côté est originaire de la communauté Wendat de Wendake en banlieue de Québec.
Engagé dans le milieu autochtone depuis 2011, M. Côté milite pour l’amélioration de la qualité de vie des Autochtones au Canada.
Depuis 2014, M. Côté travaille au sein du Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec et depuis peu, est chargé de Programmes dans cette organisation. M. Côté est détenteur d’un Baccalauréat multidisciplinaire en Administration des affaires et Relations industrielles, en plus d’un certificat en Études autochtones de l’Université Laval.